L’hiver est là avec ses frimas, ses coups de vent
tempétueux, sa gelée matinale. Il suffit de mettre le bout de son nez dehors
pour voir sortir volutes enrubannées de nos naseaux déjà morveux. Ha bravo pour
la poésie et le glamour ! Donc disais-je l’hiver est là et le
corsaire du Roy est enfermé au chaud dans la chaumière, le temps que sa
goélette se refasse une beauté en carénage. Avoir un homme au chaud, c’est
cool !! Mais l’homme des mers sauvages tourne vite en rond et ronge son
frein ! Vite ! Vite occupons-lui les mains. Aussi a-t-il trouvé un
refuge, un exutoire, de l’eau à portée de main. De l’eau ou pagouiller avec
joie et un certain bonheur.
J’ai donc rangé potions, chaudrons, déblayer un poil de
terrain pour que mon joyeux compagnon retrouve un peu de son océan. Je l’ai vu
arriver un beau jour avec un grand rectangle de verre, dans lequel je pourrais
loger (en me tortillant un peu certes, mais j’y loge à l’aise). D’un air
conquérant, il me dit :
-
Voilà ma chérie, de quoi occuper mes longues
journées d’hiver. Nous y gagnerons de nouveaux amis… Silencieux, pas chiants…
Une tite merveille te dis-je.
L’aquariophilie ! Je découvrais le terme dans toute sa
splendeur. Moi qui l’avais toujours plus ou moins assimilé à un vulgaire bocal
et un poisson rouge qui tournait en rond en larguant de temps à autre une bulle
histoire de dire qu’il était présent ; je découvrais vite mon erreur. Il
faut savoir trouver le joli sable irisé, les beaux galets ronds, pommelés, ou
torturés et ébréchés. Les essais de souches (auxquelles je trouve toujours des
formes plus délirantes les unes que les autres), les caches à poissons… ça
c’est sur que ça vous occupe durant les longues journées d’hiver, un boulot à
plein temps.
Une vraie galère je vous dis !
Et puis, quand l’homme rentre victorieux en vous
jetant :
-
Chériiiiiie, j’ai ramené du poisson !!
Halte là, ce n’est pas une raie pour le repas du midi que
vous allez pouvoir mitonner avec un beurre maître d’hôtel… C’est un « Pétalus Primus vulgaris » nettoyeur de fond, ( ?) accompagné de
deux ou trois «Caius Lignus
Prométhéus » qu’il ne faut surtout pas toucher avec ses tites mimines
sous risque d’avoir des épines partout. Ha bravo ! Et encore, je ne vous
parle même pas de la fameuse étoile de mer violette qui vous saute à la gorge
quand vous ouvrez le couvercle du superbe aquarium. C’est teigneux ces
bestioles ! De toutes façons, moi j’m’en fous, je ne leur donne pas à
bouffer. C ‘est pire que des lions, dès que ça vous voit approcher, ça se jette
sur la paroi.
Oui en parlant de couvercle, il faut que je vous dise, on a
aussi rajouté un couvercle sur le bouzin… Parce que c’est con un poisson… Faut
que ça aille voir si de l’autre côté, l’air est meilleur. Et je vous assure que
l’air pour un poisson, ben c’est pas viable! On a eu des suicidés, des
susceptibles qui ne supportaient pas l’ajout de nouveaux compagnons ;
préférant se jeter dans le vide plutôt que de partager les bulles des autres.
J’en ai même sauvé un qui pour me remercier m’a collé un coup de dent
rageur. La prochaine fois, il finira en
brochette !
Inutile de vous raconter que Belzébuth est dans tous ses états.
Il a mis un certain temps pour s’apercevoir de la nouveauté… Mais une fois, les
proies envisagées, c’est le museau félin le long du carreau qui laisse traces
baveuses – que le corsaire essuie aussi sec ! Pas de traces sur les
vitres !
Apparition d’un glouglou à la tête du lit… Ho bé nan ?
ho bé si ! Hoooo mais ils sont si mignons ceux là, plein de couleurs, de
belles nageoires en voile. Belzébuth n’en peut plus, de sauter dans tous les
sens, il est à fond. Il devient complètement barré.
Mon corsaire est aux anges. Il a les mains dans l’eau en
continu, arrange ses galets à tour de bras. Je surveille ses mains avec
attention des fois qu’elles deviendraient palmées.
Pourvu qu’il ne me pousse
pas une queue de sirène ?!