Voilà la sorcière épinglée à mon
tableau de chasse. Elle est du plus bel effet dans mon cabinet de
curiosités... Après trolls, licornes... et autres bestioles du Monde de Faërie... Je détiens enfin une sorcière. La demoiselle se tortille comme un beau diable,
voulant à tous prix échapper à l’œil inquisiteur de chercheur
que je suis.
Il faut dire que depuis le temps que je
suis ses aventures rocambolesques, ce drôle de bout de femme
m'interpelle. Après maints pièges évités, elle tomba ENFIN dans
mes filets. Je me frotte les mains à l'idée de pouvoir l'étudier,
la décortiquer... C'est qu'elle m'agace sérieusement avec ses
grands airs de femme libérée. Toujours en récriminations... En mode
séduction... à courir partout, dans tous les sens, avec ses beaux
rêves et ses belles espérances !
Analysons la chose de plus près...
Microscope s'il vous plait.
Elle se dandine dans tous les sens, le
lançant des imprécations.
- Chante ma Belle, chante !! Ton secret va m'appartenir !!
A cette sorcière, ôtons lui son
sourire taquin et son rire tonitruant – déjà ça fait plus sobre
! Dépouillons-là de son esprit contradictoire et ses coups de
gueule retentissants – un peu de silence (ça fait du bien).
Hooo... et puis son humour à deux
balles aussi... foutons le dehors !
Extirpons également l'hyper-activité
dont semble prise frénétiquement la dame.
Arrachons lui sa magie, ses tours et
sortilèges.
Haaa tout de suite, ça le fait moins
bien hein ? On a quelque chose de plus... de moins... excentrique !
ça calme !!
Elle se tient devant moi, encore fière,
le regard rempli de révolte. Sans la déshabiller, je la mets à nue
devant moi. Je me fous comme d'une guigne de ses apparats. Je veux
savoir ce qu'elle est vraiment ! Je n'ai aucun cœur, aucune
sensibilité. Je veux savoir de quel bois, elle est constituée.
Grattons donc ce vernis de fierté. Les couches se déroulent comme
un ruban de satin (j'aime bien paraître poète à mes heures).
Au fur et à mesure, elle semble se
recroquevillée, se refermer sur elle-même. J'ai fait tomber ses
défenses, sans rien d'autre que mes instruments.
- De quoi donc as-tu peur petite sorcière ?
Je vois passer dans ses yeux de
l'effroi. Dans un dernier élan, elle se redresse et me fait front.
Au-delà de la fierté, c'est l'orgueil d'une femme blessée que je
reçois en plein visage. Soudain, je suis bouleversé. Dans mon
esprit, virevoltent ses tragédies, ses angoisses, ses peurs... je
perçois son désarroi, ressens ses sanglots. Mon estomac se
convulse. Serait-ce un de ses tours d'ensorceleuse ? Je jette un
regard sur ma table de travail. Toute sa carapace et sa magie gisent
dans un plateau d'argent. Il n'y a devant moi plus que ce qu'elle est
réellement.
Mon cerveau m’envoie l'onde de ses
sentiments... tel un écheveau qui se délite, ils défilent devant
mes yeux abasourdis. Je me retrouve suspendu au-dessus d'un énorme
puits noir sans fond, ressentant sa peur du vide si prégnante. Pas
de vertige... Non le vide dans sa vie ! L'angoisse de ne pouvoir
aller jusqu'aux bouts de ses rêves. Tels des serpents, ses peurs les
plus grandes rampent sur ma peau pour ne laisser que froid et
douleurs. Aurais-je été trop loin ?
Pourtant tremblotante, dans un coin...
une petite lueur. Si faible, mais tellement présente. Elle s'y
accroche bec et ongles. L'espoir ! L'espoir d'y arriver. L'intensité
de la lueur se renforce... l'amour vient en renfort. L'amour qu'elle
a pour les siens, l'amour qu'elle offre à tour de bras à tous ceux
qui en ont besoin. L'amour dont elle a besoin pour survivre... Malgré
la malédiction qui l'emprisonne, elle ne demande qu'à croquer à
pleines dents la vie. Profiter de chaque moment passé.
Me serais-je donc trompé sur cette
sorcière ?! Moi si sûr de ma science... Si terre à terre. J'ai
voulu lui arraché ses magies, voulant prouver au monde entier
qu'elle n'était que faux semblants...
Grossière erreur que j'ai commise là.
Je me retrouve dépité devant tant de fragilités, à vouloir la
prendre dans mes bras et la protéger. Ha ça, il a l'air fin, le
grand chercheur de vérité !!
Moi, si sûr de mon savoir, je m'excuse
platement d'avoir absolument chercher à savoir. Je lui remets penaud
ses atours. Évitant de froisser davantage sa personnalité. Je
décide de la relâcher.
Totalement ébranlé, je lui tiens la
porte respectueusement pour qu'elle regagne sa liberté. Sans aucun
mot, hormis un regard de dédain, elle partit laissant un affreux
vide... Celui dont elle a tant peur.
Avis aux scrutateurs... aux
chercheurs... il vaut mieux laisser en paix, les secrets de sorcière
!!
1 commentaire:
Un mage a piqué ton mot de passe pour publier le résultat de tes expériences...Ma foi, c'est bien écrit et mérite détour !:)
Mais "par le petit bout" lorgnette ou pas, tu es une vraie gredine et c'est pour ça qu'il t'aime ton pirate !
Besos ♥♥
Jack
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