dimanche 21 mars 2010

Les fileuses


- Sais-tu qui nous sommes ? J'espère pour toi que tu ne nous a pas invoqué pour rien !
- Il t'en coutera le reste de ton temps !
- Hooo, elle a pourtant l'air si gentille...
Toutes trois me regardent, j'ai trois générations de femmes devant moi, une enfant, une femme de mon âge, et une vieillarde. Toutes ont un rouet, et n'arrêtent pas de filer... La plus jeune chantonne :
- Fil, file, filons le temps...
Mince alors ! Ce sont les fileuse de temps, les tisseuses du destin. Je ne connais personne qui les a rencontrées et pour moi ce n'était qu'une légende racontée le soir à la veillée, c'est d'un risible !
La plus âgée semble s'impatienter, elle tapote sur pied.
- Alors, jeune innocente ? qui sommes-nous, et que faisons nous ?
- Vous êtes les tisseuses du destin, vous filez la vie de chacun.
La plus jeune sautille sur place en applaudissant.
- Elle est douée, elle a trouvée !
- Calme toi, pas tout à fait... Que filons-nous aussi ? que se passe-t-il si nous coupons le fil ?
Erlon s'agite sous moi :
- Gnorurffff...pfffienfmdmff !
- Nous ne t'avons pas baillonné pour rien cher Draco ! Ce n'est pas à toi que nous posons la question ! C'est une épreuve pour ta protégée, si réponse elle ne sait, son fil sera coupé.
J'inspire un bon coup, il ne faut pas que je me plante là ! Je regroupe mes connaissances.
- Vous êtes les fées fileuses, vous détenez sur vos rouets les vies de chacun d'entre nous, filant nos actions, notre avenir, notre héritage. Le fil de soie peut de lui même se casser, mais vous pouvez aussi le couper, et celui dont la vie est entre vos mains en mourra... Et pardonnez moi, je ne vous ai pas invoquée... Enfin pas consciement, je me suis juste rappeler le charme que ma mère utilisait pour ses potions de guérison.
- Tout ce que tu dis est juste !
- Ho Ouiii, tu as gagnée : rajoute la benjamine.
La vieille esquisse une moue, son rouet va de plus en plus vite, le fil de soie dans ses mains s'allonge, s'allonge prêt à céder. Je ne peux qu'espérer que ce fil ne soit le mien.
CLAC !!
Je ferme les yeux, trop tard ! Je les rouvre tout doucement ! Ha ben non, ce n'est pas moi... Pourtant, il y a quelque chose de pas très clair, une sensation de vide...Sous moi, je sens erlon s'effondrer. Un cri d'angoisse et de désespoir sort de ma gorge.
- NOOOooonn ! Pas lui...
Les fils qui jusque là, nous engluaient s'évaporent, je suis libérée. Je descends du dos d'Erlon, je sens sous ma peau les picotements de la colère... Je me retourne fulminante vers la harpie.
- Vous n'avez pas le droit ! Il n'avait rien fait lui ! Et j'ai répondue correctement à vos questions ! je ...
- Tu quoi ? Jeune effrontée ! Prends garde, ne juge pas sans savoir !
La plus jeune se détache du trio, passe devant moi, et vient poser la main sur la tête de Erlon, je sens les larmes qui coulent le long de mes joues.
- ça va ? tu t'en remets un peu ? Chuchote l'enfant.
Ebahie, je vois les ailes d'Erlon se déployer pour se secouer, sa tête se relève tout doucement, ses yeux sont en roues libres. Il claque du museau comme au sortir d'une gueule de bois.
- Rhooo, j'suis désolée Maïa... Je croyais que c'était ton fil qui se rompait, trop d'émotions, j'ai pas tenu le choc.
J'en reviens pas ! Ce grand nigaud est tombé dans les pommes, c'est trop fort !
Oups ! Et moi qui commençais à vouloir injurier l'aînée. Elle me regarde en chien de faïence, histoire de voir si j'ai quelque chose à rajouter, j'ai l'étrange intuition que je ne me suis pas faite une copine... Et quand on sait ce qu'elle file entre ses mains, c'est pas encourageant pour moi.
- Sache jeune écervelée, qu'un draco n'a pas de fil tissé pour sa vie...
- C'est sûr ! renchérit la petite, la bobine serait trop grosse !
la seconde me regarde les yeux pétillants de malice et glousse de rire.
- Suffit ! claque le rappel à l'ordre, ta vie est sauve, ton fil ne sera point coupé, ton héritage est en marche, et tu dois y arriver pour le transmettre. nous passons sur le fait que tu nous ais invoquée - à tes dires par inadvertance. Que cela te serves donc de leçon !

vendredi 12 mars 2010

Traquenard


Malgré le mal de crâne lancinant (il paraît que ça va finir par s'estomper à la longue), j'essaye de focaliser mon attention sur ce qui à l'air de poser un souci à mon grand dragon. Il cale sur une rune ! Lui, le grand lecteur universel des runes, cale sur un petit dessin... Bon je l'accorde, les runes à traduire ce n'est pas un cadeau ! des batons dans tous les sens, des angles, des pointes... Alors en plus quand elles sont gravées face aux intempéries, recouvertes de mousse, de feuilles.
- Hummm, j'hésite vraiment, mais... Oui... Oui... c'est bien celle-ci, regarde Maïa, et dis moi celle que tu vois.
- Destinée, j'en connais le charme, Maman me le disait souvent quand elle préparait ses potions de guérison, ça donne ça :
" Au-dessus de nos têtes,
Elles tissent, glissent,
Douces voix, dans les fils et la trame,
Préparent joies et drames,
Partent et s'en reviennent,
Les fileuses du destin"
- NOOOONnn, ne les invoquent pas, pas comme ça ! Hoooo Maïa !!
Je regarde interloquée Erlon, qui me jette un regard effrayé, désespéré. Qu'ais-je encore donc fait ? Pourquoi ce dragon de cinq mètres flippe autant ? j'aurais vraiment tout vu !
- Ben quoi ? tu m'as demandé ce que je voyais.. Je te le dis c'est tout !
- La rune oui, pas le charme qui va avec, Maïa, il faut que l'on parte vite, grimpe sur mon dos, on prend la tangente vite fait là.
Je ne cherche pas davantage à comprendre, je ressens un changement imperceptible dans l'air, je grimpe sur le dos du dragon, il déploie ses ailes et commence à entamer le décollage, quand des fils poisseux se prennent dans mes cheveux, je l'ai enlève d'un air dégouté, ils sont aussitôt remplacés, de plus en plus nombreux.
- Erlon, vas-y décolle !
- Je... Je ne peux plus... Je suis lié.
Alors que je veux descendre de son dos, je m'aperçois que je ne peux plus bouger, je suis collée, engluée. Des fils d'araignée ! on en est totalement recouvert. Je frissonne de dégoût, c'est plus que je ne peux en supporter, des araignées ! Ok, je tolère celles qui vivent dans ma chaumière, mais j'ai comme le sentiment que celles qui nous emprisonnent ne sont pas du même acabit. Je crains de voir apparaître une énorme araignée -mangeuse de sorcière et de dragon. Beurk !
- Erlon ? ça va ?
- Grnououfff... frprprmmmf !!
- Hein ?
Ho non ! tout autour du museau ? muffle ? de Erlon, les fils se sont enroulés pour lui clore le bec, il peut tout juste respirer, nous voilà bien. Je passe en revu mes sortilèges, un charme qui pourrait défaire les entraves...
- Tu ne pourras rien y faire ! Essaye toujours, mais aucune réussite ne sera !
Voix douce d'enfant !
- Laissa là donc essayer, que par elle même, elle le voit...
Voix attendrie d'une femme.
- Allons les filles, le temps passe, nous n'avons guère de temps pour cela !
Rappel à l'ordre d'une voix chevrotante.
Trois silhouettes se découpent derrière les trônes.