Histoire
de changer d’air, et un peu de vie, j’ai viré toutes mes fioles,
mis Belzébuth en gardiennage chez les Turlututu’s (à la grande
joie de Philibert qui peut enfin le câliner), loué ma chaumière à
une jeune sorcière qui voulait s’installer et j’ai pris la
tangente façon grand large !
J’ai
un peu navigué sur la nouvelle Goélette de Jack, écumant les mers
et les îles à la recherche de trésors enfouis. Mais bon, le cœur
n’y était plus trop. Lassée sans doute de trop d’aventures d’un
coup, d’histoires sans fin… Je voulais prendre repos et m’occuper
de moi. Bonne idée ! J’enfourchais donc vaillamment mon balai
en plein milieu des mers du Néant, pour voguer galère vers des eaux
plus calmes…
Grand
mal m’en prit ! Après des derniers adieux remplis de
promesses de se revoir et de repartager de grandes aventures,
baluchon sur l’épaule, je m’élançais vers de nouveaux cieux.
Ciel bleu, léger vent d’ouest… Bref un temps dégagé.
Quelques
heures de vol en chantonnant, je ne m’aperçus que trop tard qu’un
orage fort désagréable pointait le bout de son nez. Prise dans la
tourmente, c’est accroché à mon balai comme une damnée, que je
virevoltais sous les bourrasques. Soudain alors que nous luttions mon
balai et moi contre une rafale plus virulente que les autres, le
vent tomba. Totalement déstabilisé par ce calme soudain, je ne pu
garder le cap et piqua du nez direct dans l’océan tourmenté. Le
souffle coupé, je m’efforçais de m’accrocher à mon balai qui
tentait tant bien que mal de surnager entre deux eaux. Allez donc
démarrer un balai en pleine mer. Les minutes passaient longues et
épuisantes, me laissant transie et courbatue. Je sentais mes forces
diminuer, petit à petit je sombrais. Je lâchais prise, une dernière
pensée pour les miens et me laissais couler dans le calme du grand
bleu. Il faut bien le dire, mort peu commune pour une sorcière !!
C’est une poigne solide et franche qui me fit reprendre
semi-conscience. Deux mains venaient de m’attraper par l’épaule
et le bras et me remontait dare-dare vers la surface. De retour au
grand air, avalant à grandes goulées l’air frais, recrachant à
plein gosier l’eau que j’avais avalée, je ne pus que me laisser
faire en sentant un corps se coller au mien.
- Tiens bon fillette, je te ramène à bord. Me dit une voix grave et profonde.
Je
fus hisser sur le pont d’un bateau dans une posture un poil
grotesque, n’ayant plus aucune force pour aider mon sauveteur. Une
véritable poupée de chiffon. Le ploc qui résonna à mes côtés,
me fit penser que mon balai venait lui aussi d’être secouru. J’en
fus soulagée. Du reste, je ne me souviens plus, m’étant endormi
totalement claquée par ses émotions et ce combat titanesque contre
les éléments.
C’est
un rayon de soleil persistant dans l’œil qui me réveilla, sa
douce chaleur se diffusa sur mon visage pour venir m’éveiller
comme une caresse. Je sentais dans mon corps un doux balancement
accompagné de quelques grincements de bois. J’étais donc à bord
d’un navire. La couchette était douillette et chaude, je m’y
renfonçais deux minutes avec plaisir. C’est un grattement à la
porte de la cabine qui me força à me lever. J’étais entortillée
dans une longue chemise de lin. J’ouvris la porte avec précaution,
découvrant enfin celui qui s’était jeté à l’eau pour me
sauver. Je restais sans voix devant lui. Bon sang de bois ! Il
me fit un sourire à me faire défaillir, le regard pétillant et
étrange. Un œil bleu/vert et l’autre marron moucheté de vert.
- Alors fillette ? pas trop démaquillée ?
J’hésitais
un instant sur la réponse à donner. Au moins, le type avait de
l’humour. Je bredouillais quelques remerciements empruntés, ne
sachant vraiment sur quel pied danser.
- ……. Corsaire du roi. Je patrouille en ces eaux pour courser les navires de marchandises remontant vers le Pays de Faërie. C’est le grain de cette nuit, qui m’a ralentit et permis de voir ton joli vol plané. Sans ça fillette, tu nourrirais les grands blancs. Ils sont friands des petites rousses. Allez va au carré, un petit dej t’attend. Regarde dans le coffre au pied de ta couchette, tu trouveras quelques vêtements. Ne va pas affoler mon équipage avec ce corps affriolant…
Sur
ces quelques paroles, il tourna talons et s’en alla donner ses
ordres sur le rouf. J’entendais sa voix grave résonner sur la
coque du bateau. Je m’empressais de passer chemise et pantalon pour
aller enfin me remplir le ventre avec d’autre chose que de l’eau
salée. Après avoir avalé un café, accompagné de quelques
tartines beurrées et confiturées, j’osais me hasarder sur le
pont. Je ne rencontrai que quelques marins qui me saluèrent avec
grand respect. Diantre, cela me changeait de l’équipage égrillard
de Jack. Je découvrais avec stupéfaction la splendeur sur
laquelle, je naviguais. Long, élégant, spacieux… Rien que le
carré m’avait émerveillé, un vrai salon, une cabine digne de ce
nom, bref, le grand luxe.
Du
coin de l’œil, je vis s’agiter à la barre le fameux corsaire du
roi. Un œil sur moi, il parlait avec son bosco. Il me fit signe de
la tête pour que je le rejoigne. L’homme était habitué au
commandement et n’entendait pas apparemment être désobéi.
Allons bon, faisons profil bas ma fille, laisse ton tempérament de
côté, n’oublie pas qu’il t’a sauvé ! Je le rejoignis,
le remerciant encore une fois de m’avoir sorti des bras de Neptune
et enfin me présenta.
- La fillette s’appelle Maïa Luna, sorcière de son état, mais aussi matelot de par son frère et son père. Merci de m’avoir secourue …
Surprise !! Que dites-vous de ça ??