dimanche 30 mai 2010

Pleine Lune


Comme à chaque fois que la lune se fait pleine, ronde comme une balle, je la marque ! Colères et sautes d'humeur diverses et variées, mes compagnons ont plutôt intêrés à bien se tenir...
Cette nuit n'est pas coutume, j'innove quelque chose de nouveau. Un remède vieux comme le monde que m'a légué un ami indien. Je mâchouille allègrement une herbe au goût immonde (et le mot n'est même pas assez violent) qui me soulève l'estomac...Beurkkk ! Immonde... peut être que le mot infâme serait plus approprié.

Ce qu'il ne faut pas faire pour vivre une expérience hors du commun. Je déglutis à grand peine pour réussir à avaler cette purée qui me laisse un goût amer et acide. L'impression de perdre mes dents, et que mes gencives saignent est tellement présente que je passe ma langue dessus pour m'assurer que tout est bien à sa place. Pas le moment de faire un sourire, sous peine d'avoir les chicots verts.

Isolée au calme dans ma clairière, au pied de mon vieux chêne. La pluie vient de cesser, les nuages s'effilochent pour laisser apparaître la lune rebondie, elle me semble chargée de lourdes promesses.
Je m'allonge à plat ventre sur l'herbe, malgré le goût encore présent dans ma bouche, j'arrive à me détendre, et me laisser envahir d'une douce torpeur. Je frémis, soupire et m’étire. Ma peau me picote comme si des milliers d’aiguillons me transperçaient la peau. Mes sens sont en éveil. je ressens de drôles de sensations. Mon esprit ne volète plus d'un sujet à l'autre, mais reste aux aguets... Comme dans l'attente.
D'abord imperceptible, le moindre frémissement de feuilles, la moindre goutte d'eau qui tombe d'une feuille vient à me oreilles. Le bruissement de la brise dans les roseaux.
En entrouvrant la bouche, et passant la langue sur mes lèvres, j'aspire et goûte les saveurs de la nature. Le goût humide et minéral de la terre, sucrée l'envolée d'odeur de l'acacia. Une odeur particulière me fait remuer le nez. Une saveur de sauvage... De gibier !

Un grondement sourd et profond se fait entendre... je tends l'oreille... ça reprend, je m'aperçois que ça vient de ma gorge.
Je m'étire de tout mon long, le vent court le long de mes membres et me fait frissonner. L'impression d'être entièrement recouverte de fourrure. Je me lève... Pour me trouver à quatre pattes. Je chancèle. Pas très à l'aise du tout dans le mode quatre pattes. Pourtant sous ma peau, je sens mes muscles roulés. Mazette ! je ne me savais pas si musclée !! Autant continuer l'expérience jusqu'au bout. Je m'avance une patte après l'autre. Bon ça à l'air de tenir. je m'engage dans un sentier, en accélérant de plus en plus la cadence. Je me laisse griser par la puissance que j'ai dans les pattes(?), je bondis allègrement au dessus des obstacles en travers de mon chemin. je fais un dérapage contrôlé des pattes et retourne auprès de l'étang, ne serait ce que pour m'y mirer un coup, voir juste ce que je suis devenue...
Une louve au pelage roux et aux yeux verts !! J'y crois pas !! Et j'ai une envie irrépressible qu'il faut que je contente au plus tôt. Je repars à fond de train pour gravir la colline et me percher sur la roche la plus haute. Me voici assise sur ce rocher, face à cette lune ronde qui me sourit. Je hurle à la mort, y mettant toute mes tripes et mon cœur... Des larmes de joie mêlées à une profonde mélancolie se mêlent sur mon museau...

Au petit matin, je sais que la lune a tenue ses promesses !! Gueule de bois épouvantable ! Courbatures atroces sur tout le corps ! Le soleil me fait un vilain clin d'œil qui secoue mon mal de crâne lancinant. Un vague souvenir me taraude. Je m'examine sous toutes le coutures. Tout est là. Jambes, bras. Je passe mes mains sur le visage, j'ai l'air d'avoir repris un air humain. Faut absolument que je me souviennes du nom de cette fichue plante !

dimanche 23 mai 2010

Rébellion !


Cette petite m’épuise, elle m’use… je n’en peux plus…
Cinq mois ?! Cinq mois qu’elle est née et qu’elle me colle ! Je ne peux plus m’en dépêtrer, si j’ai le malheur de m’éloigner, elle se met à brailler comme un veau. Mes jours et mes nuits lui sont dévouées… Non…Non… je dois plutôt dire sacrifiées !
Ha et puis ça y est !! ça attrape tout, ça goûte à tout, ça pia-piate, ça chouine !!! ça me casse mes oreilles si sensibles !
Cinq mois que je suis au garde à vous, à surveiller la précieuse chose…
Ça pousse vite, et c’est pleins de conneries à cet âge là. C’est pire que pour ma gamelle de croquettes ou de lait, faut avoir l’œil sans arrêt dessus…

Il faut dire qu’elle est précoce la petite, on le sait qu’elle a un don, elle en fait déjà l’étalage !! Mam’zelle rampe déjà, et plus vite que son ombre encore de mieux. J’ai assez à faire à la rattraper par le fond de culotte et de la ramener vite fait jusqu’à son parc.
Maïa lui a bien offert un dragon en peluche,histoire de l'occuper un peu et qu'elle me lâche la bride, mais la petite fait ses dents dessus hardi petit…Et puis le dragon, Emy a décidée à lui faire apprendre à voler, elle le jette dans tous les sens et me regarde fixement jusqu'à ce que j'aille le lui ramener... Me voilà à jouer le rôle du chien à sa fifille !
Non mais je vous jure... J'EN PEUX PLUS !!
Tiens parlons-en de Maïa ??!! Alors celle-là… la prochaine fois que je fais des petits, je lui en garde une portée !! La bourrique hein!! Cinq mois qu’elle m’a abandonnée à mon triste sort, cinq mois que je gère un monstre en lange et deux chenapans qui en veulent à ma queue et à mes moustaches… Sans compter ce grand steak de Philibert qui veut sans cesse me faire des papouilles ! Mais....Suis pas un chat de salon MOI !!! Dès qu'il s'approche trop près de moi, je suis obligé de me défendre à coups de griffes et feulements, le seul avantage qui en ressort, c'est que ça faite rire la petite aux éclats.

Cinq mois que je n’ai pas vu l’ombre d’une minette, je ne sais même plus ce que c’est que de miauler à la lune… Mon poil se ternit, mes moustaches sont en berne (enfin ce qu’il en reste puisque le petit amour tire dessus avec joie…) Et puis je ne parle même pas de mes baloches qui auraient une sale tendance à trainer par terre, d'ailleurs le jeune Nathan en a fait un terrible jeu - surtout pour moi, il veut à tout prix shooter dedans. Ce gamin est un psy-chapatte !! Il a décidé de me faire devenir chat castra !
Il n'y a que la douce Stélaphie qui me comble de douceurs et de pâtées affriolantes, il va falloir que je surveille attentivement ma ligne de chat de compète, parce qu'à ce compte là, je vais finir gras comme une loche.

Bon, elle revient quand Maïa ??? Si ça se trouve elle s'est trouvé d'autres animaux de compagnie, l'ingrate !

mercredi 12 mai 2010

Vol plané


Je suis debout... Face à l'horizon, le cheveu dans le vent, que dis-je... La tignasse emberlificotée par les bourrasques...
Je suis sur la brèche, tout au bord, du bord du vide. En me penchant un peu, j'aperçois les rochers acérés en contrebas. Les vagues viennent s'y fracasser à grands coups de buttoir. Un frisson me parcoure l'échine, tout doucement j'écarte les bras, Mes mains se sont ouvertes, et le vent s'enroule autour de mes bras, plaque le long de mon corps mes vêtements. Une bourrasque plus forte que les autres me coupe le souffle. IL faut que je me décide maintenant. Je suis forte ou pas !! Dans mes oreilles, le murmure d'Eole :
- Tu peux le faire...
J'aspire une goulée d'air iodée, un coup d'oeil à droite et à gauche... Personne ! C'est le moment ou jamais. Autant ne pas
se rater ! J'avance d'un pas, me mets sur la pointe des pieds, m'étire de tout mon long et me jette dans le vide.
L'impression de planer, de voler, impression de liberté. Des larmes s'échappent de mes yeux pour se perdre dans ma chevelure. Je n'ose sourire de toutes mes dents, de peur d'avaler un moucheron... Ou que sais-je de percuter une mouette paumée. ( Moi et mes frousses à la manque)

Au moment ou je tends les bras et m'apprête à siffler, je me sens percuter au niveau des genoux, passe cul par dessus tête et me retrouve sur un tapis de mohair... Volant ! Comme conducteur un petit bonhomme brun entortillé d'un turban bleu. Mais qu'est-ce qu'il fout là lui ? Il m'a foutue en l'air mon magnifique saut.
- ça va mamz'elle ? t'y n'as pas de mal ? Faut pas faire ça mam'zelle...
- Non, mais je rêve ? de quoi je me mêle ?
- Et pourquoi t'y veux sauter, elle est pas belle ta vie ?
J'en reste comme deux ronds de flancs.. Mais y croit quoi lui ? que je voulais attenter à ma vie ? Meuh nan ! Suis pas assez courageuse pour ça, il plaisante non ?
- Mais si, elle est belle ma vie...
- Alors pourquoi t'y jeter dans le vide. T'y es malade ? j'y comprends pas...
- STOP.... Je t'explique, j'ai pas voulue me tuer du tout... Je m'exerce.
- Mais t'y a pas de parachute...
- Nan ! Mais j'ai un balai !
- Ben t'y l'a oublier en sautant, parce que là, t'y es toute seule !
Malgré moi, je me pète un fou-rire, je me mets à sa place, c'est vrai que voir une barjot sauter du haut de la falaise de la mort, et jurer sur tous les diables qu'elle ne voulait pas se donner la mort, c'est un peu gros à avaler. J'ai beau lui expliquer mon petit exercice, une fois, deux fois, il ne comprend pas...
- Ecoute ! Ramène moi au bord de la falaise et je te montre... Mais promets moi de ne pas intervenir.
- Chais pas, c'est pas bien d'y jouer avec sa vie comme ça.
Après bien des palabres, à force de gesticulations, je réussies à lui faire entendre raison. Il me ramena en douceur et tout confort (épais le tapis... genre douillet) sur le bord de ma falaise. Bon, c'est pas tout ça, mais il faut que je me recentre, décompresse, et me recompose. Grand vide en moi, j'appelle à moi les éléments. A la rescousse Eole, portes moi encore une fois. Je sens mon sauveteur sur le qui-vive, un poil aux aguets. Je souries en coin...

Une impression de déjà-vu, sur ma brèche les bras en croix, le monde devant moi. Je m'élance, me lance, l'air me porte, je plane littéralement. Je me laisse griser par cette impression, mes genoux se rapprochent et se love contre moi. Un coup de sifflet, un courant d'air me déporte un peu, je le sens glisser sous moi. Mes mains s'y accrochent, m'y voici assise.
YESSSS !!! J'ai réussie mon coup !! Mon sauveur improvisé m'a rejoint et vole à mes côtés, complètement éberlué.
- Alors là, si j'y m'attendais ...
- Tu vois je te l'avais bien dit !
- Et ça fait longtemps que t'y fait ça ?
J'éclate de rire. S'il savait vraiment...
- Non, d'habitude je m'entraine du haut d'un chêne, mais je voulais voir si de plus haut, c'était possible...
- J'y crois pas dans mes yeux, s'y jeter dans le vide tout ça pour s'asseoir sur un balai... T'y peux pas décoller directement du sol?
Il secoue la tête en levant les yeux au ciel. C'est sûr il me prend pour une folle.
- Et si t’y sais plus siffler hein ?
Là ?! Il me coupe la chique !

lundi 3 mai 2010

Le Marquis


Venant de la classe sorcière de terre, donc du petit peuple, il m’arrive quand même de cotoyer quelques grands de ce nom. Lors de mes périples, voyages ludiques ou non, les rencontres s’amoncellent et me font un beau parterre de connaissances. Y fleurissent allègrement des scribes, mages, sorciers, inventeurs, enchanteurs... Et un Marquis !
Pardon, on ne se prive de rien chez Maïa ! Un marquis voyez-vous ça ! Hé oui, petit Marquis certes, mais Marquis quand même, avec le chateau qui va bien, les terres qui l’entourent, et les caves remplies je vous le donne en mille, de trésors vinicoles !

1er Mai oblige, chez moi c’est la tradition, j’invite toute ma tribue à fêter ce soltice ! Convois de balais jusqu’à ma chaumière, débauches de bouteilles, de rire, de bonne ambiance ! Les voisins s’invitent, les échanges vont bon train, les langues et le gosier aussi. Mon marquis arriva en calèche premier prix, le balai lui ça ne le tente pas de trop (sans doute un problème d’équilibre dû à trop de dégustations). Sa venue est toujours très attendue. Tout le monde l’adore mon Marquis. C’est vrai qu’il est gentil, et plutôt beau gosse si vous voyez ce que je veux dire. J’en connais certaines d’entre vous qui attendent des détails... Certes, certes, je m’empresse de vous les donner. Belle gueule aux yeux noisettes, un regard à vous donner la fièvre, une moue tentante, un petit cul haut et ferme... Les muscles bien dessinés... Et des dents quelque peu effilées... Et puis très poli avec ça ! Il ne mange pas avec ses doigts lui !

Epicurien, homme de la terre, il savoure les mets les plus divers, l’entendre parler de vins est un enchantement, mes invités sont à chaque fois ensorcellés. Bien évidement qui dit bien naît, dit cultivé... Donc les conversations vont bon train, on écoute Monsieur le Marquis avec attention. Les femmes déjà se pâment... Arrrgh, qu’il est beau le Marquis, surtout quand il sourit et rit à gorge déployée. Son rire est une cascade tonitruante qui vous emporte dans de sacrés fou-rires...
Comme la tradition, le veut, le 1er mai, c’est randonnée, pour terminer à plus de 700 mètres d’altitude dans nos montagnes d’Euskadi pour profiter d’un bol d’air pur venant de l’océan, et d’une vue imprenable à 360° sur le paysage environnants. Tout le monde attaque la montée (45 minutes de marche quand même, des côtes que même un pottok hésite à grimper). De petits groupes se forment, ça papote dans les rangs, ça rie, ça s’époumone dans la montagne. Au bout de dix minutes... Plus de Marquis ! Mais ou est-il passé celui-là ? Il ne connait pas le chemin, pourvu qu’il ne se paume pas dans la brousse. Au bout d’une demi-heure on le revoit arrivé...
• Ben c’est ou ? y a rien ? la route continue toujours ? j’ai faim, c’est encore loin ?
C’est vrai qu’on en est au troisième col... et ça monte toujours. Et puis au Marquis, on lui a promis de l’agneau cuisiné d’une certaine façon. Et le grand air, ça ouvre l’appétit !!
Ca y est, nous y voilà. Malgrès les nuages, la vue se dévoile à nous. J’ai beau y être habituer, j’en reste toujours schotchée.
• Oui c’est beau, on verra ça plus tard... On va manger nous dit le Marquis d’un tom péremptoire.
L’homme a faim. C’est vrai qu’en y regardant bien, les canines s’allongent et se font luisantes. De mon index, je me tapote les lèvres en lui faisant signe de les cacher un peu mieux. Les autres vont finir par le remarquer.
• A TAAABLE ! s’époumone le cuistot.
Telle une volée de moineau, nous voici tous à table sous le auvant de la borda. Fourchettes et couteaux en avant. Je me cale à côté de mon Marquis. Qu’il retienne encore un peu son appétit, et ne me dévore pas une des femmes de la salle, qu’il lorgne d’un regard concupiscent posé sur la nuque dégagée.
• Ranges tes dents, un peu mieux... ça va finir par se savoir !
Il me regarde d’un air contrit. Soudain, ses narines s’écartent, son regard se fixe... Le plat arrive. A peine, posé sur la table, pas le temps d’esquisser un geste que le Marquis s’est jeté sur la pitance, qu’il dévore goulument. Les autres en sont abasourdis. Le cuistot ramène aussi sec, un second plateau pour le reste de la tablée.
J’en surprends à chuchoter. Mais quel est-il ce drôle de Marquis qui devant un plat d’agneau en oublie la bienscéance.