dimanche 2 août 2009

Les états d'âme d'un balai




Mon balai ne va pas fort en ce moment, il toussote, renâcle au démarrage, poussif dans son envolée, bref me fait passer des vols éprouvants et décoiffants. Il doit m’en vouloir encore de cette fameuse soirée ou je l’ai sorti de sa remise pour faire des essais de vols (pitoyables) sous l’emprise de la boisson. Comme signe de rébellion, il m’ a laissé suspendu tel un jambon à mon vieux chêne. Et depuis, je dois bien le dire, il me tire une gueule de trois pieds de long…C’est donc décidé, je l’envoie en réparation !

J’arrive a dénicher sa notice dans mon vieux chaudron usé et appelle le fameux numéro vert ou un homme mal embouché me répond :

- Ouais c’est pourquoi encore ?

- Heu … Bonjour Monsieur, j’ai mon balai qui a pas mal de difficulté à voler en ce moment.

- Numéro de plaque, numéro de modèle me demande-t-il d’un grognement.



Je cours cherche sa carte de vol enfouie sous un tas de papiers, et reviens pantelante au téléphone,

- Allo…

- Bon alors ça viens oui ?

Il commence à m’échauffer les sangs lui, va falloir qu’il me parle meilleur et vite :

- Dites donc vous ? Vous ne pourriez pas être plus agréable ?

- Non pas envie ! Et si ça vous plait pas, allez vous faire voir ! Après tout, c’est pas moi qui suis emmerdé parce que mon balai ne vole pas !

Et là-dessus, il raccroche. Ça m’en laisse comme deux ronds de flancs, mais j’ai vraiment besoin de mon balai là ! Et je rappelle, en priant que ce numéro vert soit une société de téléopérateurs qui réorientent les appels.

- Ouais ! J’écoute

Merde ! Le même, je respire un bon coup, tant pis, je ne vais pas me faire avoir ce coup-ci,



- numéro 7425 36258, modèle AK 1257 Z, année 1992

- l’est plus sous garanti votre coucou !!

- Je sais monsieur, mais je voudrais le faire réparer.

- Ha c’est vous, miss politesse?! Ben ça va vous couter bonbon, feriez mieux d’en acheter un autre hein ! J’en ai des bons d’occasions au garage là, faudrait passer me voir, je vous fait une prime à la casse pour votre vieux là.

Cette idée ne me plait pas du tout ! J'en partagé pas mal avec ce balai là, j'ai eu toutes les peines du monde à m'y faire, c'est pas pour tout avoir à recommencer avec un autre.

- Attendez… On peut pas le réparer ? Il me convient tout à fait celui-là, et c’est la première fois qu’il me fait ça, je l’entretiens régulièrement.

- Ouais, ben z’avez qu’à venir, je vous ferais un devis… Mais ça risque d’être chérot, je vous préviens ! Et mes devis, y sont pas gratuits non plus.

Ben tiens ! Ça m’étonne pas ça ! Je volète (un coup en haut, en coup en bas) en m’armant de patience pour ne pas gueuler contre mon balai, et atterrie dans un nuage de poussière et d’odeur de gomme (j’y ai laissé une semelle dans le freinage). Un gros gars, cheveux hirsutes et gras, marcel blanc maculé de traces noires et graisseuses, poils de balai coincés entre les dents sort du garage. Mon balai et moi avons un recul de peur et de dégoût. Le type, les mains prisent dans un chiffon me détaille et la tête aux pieds et a un sourire égrillard. (ha non alors ! Tu peux te brosser mon vieux)

- C’est la petite dame du téléphone ? L’est ou son vieux coucou ?

Mon balai se cache derrière moi, je sens ses joncs qui tremble, il pousse un couinement étranglé. Je ressens la même peur. Par la porte entrouverte, de l’atelier j’aperçois un pauvre balai décortiqué, les joncs pendants, le manche scié.

- Alors l’a quoi le balai ?

Le balai, se plante devant moi, et sautille d’un air joyeux. Me passe entre les jambes, me soulève et m’envole haut dans le ciel. Je jette un regard en arrière, le gars a les mains posées sur sa taille, et secoue la tête d’un air désabusé, il jette son chiffon par terre qu’il trépigne de colère. Le vol de retour est plus que surprenant, mon balai n’en finit pas de me montrer ses prestations ; retournés, loopings, plongeons… j’en ai le cœur au bord des lèvres. Un atterrissage en douceur devant ma chaumière, et mon balai se dandine.

- Ok, j’ai compris ! Tu me faisais la gueule c’est ça ?

Acquiescements du manche

- Et tu crois vraiment que j’allais t’échanger ou te faire découper en rondelles par ce vieux machin ? Mais.. Je tiens à toi, j’en veux pas d’un autre, moi ! On va faire encore un long bout de route ensemble, et on va devoir se supporter longtemps.

Mon balai me saute au cou.

Et dire que c’est à mon balai que j’ai faite la plus belle des déclarations.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Génial !! Quelle imagination, je n'en reviens pas !

Rackham Le Rouge a dit…

Ah, c'est une belle histoire !
Y'a des balais, j'vous jure...

Besos à ma sorcière préférée !
Jack